A près de cinquante ans d’écart, les trajectoires de Louise Farrenc et de Luise Adolpha Le Beau se rejoignent sur de nombreux points, à commencer par leur succès dans la carrière de compositrice – elles sont respectivement lauréate du prix Chartier et membre honoraire du Mozarteum de Salzbourg. Farrenc comme Le Beau brillent tout particulièrement dans l’écriture symphonique (trois symphonies pour la première, une symphonie et un concerto pour piano pour la seconde), mais sont également autrices d’une passionnante œuvre chambriste, dont font partie leurs quintettes à deux violoncelles. Celui de Le Beau, composé en 1900, est une œuvre de la maturité et fut notamment joué en concert à Baden-Baden. Celui de Farrenc est une adaptation du Nonette pour cordes et instruments à vents, et l’une des rares œuvres de la compositrice encore inédites aujourd’hui. Si toutes deux furent acclamées par une critique pourtant souvent misogyne, le talent de l’une étant qualifié de « viril » quand celui de l’autre était décrit comme « libre des traits caractéristiques qu’on remarque habituellement chez les femmes », elles ont dû se battre, tant l’une que l’autre, pour l’égalité professionnelle. Le Beau créa sa propre école de piano, destinée aux jeunes filles qui désiraient faire de la musique leur métier, plutôt qu’un simple attribut pour briller en société. Farrenc enseigna au Conservatoire de Paris à partir de 1842 et se battit pour obtenir l’égalité salariale. Réunies avec celui de Schubert, leurs quintettes sont les témoignages de ces deux brillantes carrières. Les mots de la Revue et Gazette Musicale de Paris, écrits en 1875 à la mort de Farrenc, auraient tout aussi bien pu s’appliquer à Le Beau : « si le gros public ignore son nom, c’est aux artistes, qui savent ce que valait cette femme éminente, à lui rendre hommage de la manière la plus utile pour sa mémoire, c’est-à-dire en faisant entendre de temps à autre les créations de cet esprit si distingué ».